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Zimbabwe. Cinq ans plus tard, 700 000 personnes expulsées de force demeurent dans l’oubli

Zimbabwe's 700,000 victims of forced eviction still ignored five years on, ZIMBAWE, may 2010

A woman stands outside her home at Gunhill informal settlement on the outskirts of Harare, Zimbabwe, 24 March 2010

Le gouvernement du Zimbabwe doit prendre des mesures afin de protéger les centaines de milliers de personnes qui doivent encore survivre dans des campements rudimentaires cinq ans après le lancement d’un programme d’expulsions forcées massives. Amnesty International et la Coalition contre les expulsions forcées appellent le gouvernement à reloger convenablement ou indemniser ceux qui se sont retrouvés sans abri et sans travail.

« C’est un scandale de constater que depuis cinq ans les victimes doivent survivre dans des baraques couvertes de bâches en plastique, sans avoir accès aux services les plus élémentaires. Les besoins de ces victimes sont en passe de sombrer dans l’oubli parce que leurs appels sont totalement ignorés », a affirmé Cousin Zilala, directeur de la section zimbabwéenne d’Amnesty International.
Le 18 mai 2005, le gouvernement du Zimbabwe a lancé une campagne de démolition des quartiers informels dans tout le pays. Ce programme, appelé opération Murambatsvina (Restaurer l'ordre), a affecté plus de 700 000 personnes, qui ont perdu leur logement ou leurs moyens de subsistance – voire les deux. La plupart ont sombré dans une pauvreté encore plus grande une fois expulsées, une situation exacerbée par la crise économique que traverse le Zimbabwe.
En raison de la condamnation généralisée de l’opération Murambatsvina au niveau local et international, le gouvernement a mis en œuvre en juin 2005 un programme de relogement, l’opération Garikai/Hlalani Kuhle (Une vie meilleure), visant à fournir un toit aux victimes et à améliorer leurs conditions de vie. Mais cette opération a lamentablement échoué et semble désormais avoir été abandonnée.
« Les rares maisons construites dans le cadre de l’opération Garikai/Hlalani Kuhle ne sont absolument pas habitables, a estimé Cousin Zilala. Elles n’ont ni plancher, ni fenêtres, ni eau, ni toilettes. Les personnes qui vivent dans ces quartiers attribués pour leur réinstallation dépendent de l’aide humanitaire et de leurs propres initiatives pour survivre. »
Les personnes expulsées dans le cadre de l’opération Murambatsvina sont rapidement devenues invisibles, contraintes de se reloger dans des zones rurales, absorbées dans les quartiers urbains déjà surpeuplés ou forcées de se rendre dans les camps installés par le gouvernement. Celles qui restent dans les villes sont toujours exposées au risque d’expulsion, car elles n’ont aucune garantie d’occupation de leur logement. En 2009, le conseil municipal de Harare a tenté de déplacer certaines victimes des expulsions forcées de 2005, mais a été contraint de revenir sur sa décision en raison des protestations émanant d’organisations qui défendent le droit au logement et les droits humains.
Depuis sa formation en février 2009, le gouvernement d’union n’a rien fait pour améliorer les conditions de vie déplorables des victimes d’expulsions forcées et de leurs enfants, nés dans des quartiers informels.
Felistas Chinyuku est l’ancienne présidente de l’association des habitants de Porta Farm. Porta Farm, où vivaient quelque 10 000 personnes, a été détruit par le gouvernement en 2005, malgré plusieurs décisions de justice qui interdisaient aux autorités d’expulser les habitants de ce quartier.
« Cinq années se sont écoulées et nombre d’entre nous vivent toujours sous des tentes, a expliqué Felistas Chinyuku, qui vit à Hopley Farm, dans la banlieue de Harare, où la majorité des habitants survivent dans des abris de fortune.
« Il n’y a pas d’école, pas de services de santé et quasiment pas d’installations sanitaires. Ce n’est pas une vie pour des êtres humains. »
Les habitants de Hatcliffe Extension, à Harare, ont eux aussi été en butte à l’injustice en 2005, lorsque les autorités ont détruit leurs maisons, faisant délibérément fi des baux qu’ils détenaient. Ils n’ont reçu aucune indemnisation pour cette expulsion injuste et poursuivent leur bataille juridique avec les autorités. On leur demande maintenant de verser des sommes prohibitives pour renouveler leur bail.
« L’opération Murambatsvina a produit le résultat opposé à l’objectif annoncé publiquement – restaurer l’ordre. À Harare, elle a engendré une surpopulation dans les quartiers défavorisés. Parfois, jusqu’à trois familles partagent un logement de quatre pièces, a décrit Lorraine Mupasiri, de la Fédération des habitants de Harare, membre de la Coalition. Nous sommes particulièrement préoccupés par la pénurie croissante de logements à Harare. Plus d’un demi million de personnes sont sur liste d’attente. »
À la suite des expulsions forcées, les personnes concernées ont non seulement perdu leur logement, mais aussi leurs étals sur les marchés, privant les commerçants informels de leurs moyens de subsistance.
Les femmes ont été particulièrement touchées, car elles représentent la majorité des vendeurs informels et, bien souvent, ce sont elles qui assurent la subsistance de leurs enfants et prennent aussi en charge ceux que la pandémie du sida a rendus orphelins.
Lorsque les vendeurs informels ont tenté de faire renaître leur commerce, les autorités leur ont constamment mis des bâtons dans les roues.
« Les conditions de vie déplorables et la lutte pour la survie auxquelles sont toujours confrontées les victimes de l’opération Murambatsvina témoignent de l’incapacité du gouvernement à remédier aux injustices qui frappent les plus vulnérables au sein de la société zimbabwéenne », a conclu Cousin Zilala.

Amnesty International

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