Bordeaux, Réquisition solidaire de 10 maisons
Une trentaine de personnes, dont quatre familles, ont été relogées ce dimanche dans des maisons réquisitionnées sur la commune de Saint-Médard-en-Jalles. L’opération a été menée par un collectif citoyen avec le soutien de Médecins du monde, Réseau d’éducation sans frontières et Les Enfants de Coluche et la fondation Abbé-Pierre.
« 11 novembre 1918, 11h, les cloches sonnent le cessez le feu. 11 novembre 2018, 11h, nous avons rendez-vous. » Plusieurs associations bordelaises ont relayé cet appel pour rejoindre un convoi conduisant une trentaine de personnes sans domicile de Bordeaux à Saint-Médard-en-Jalles afin de les reloger dans une dizaine de maisons vides réquisitionnées qui appartiennent à la commune.
Rendez-vous donné ce dimanche place des Quinconces aux futurs habitants aux côtés de Médecins du monde, Réseau d’éducation sans frontières, Les Enfants de Coluche, et la fondation Abbé-Pierre. Pascal Paoli, directeur régional Nouvelle-Aquitaine de la fondation, explique :
« Nous avons répondu à un appel au secours d’un collectif d’associations faisant face à une pression pour mettre à l’abri des personnes sans domicile. Nous sommes intervenus pour participer à la logistique de cette opération. Grâce à nos donateurs, nous avons pu affréter un bus. »
Au total, 63 personnes sont concernées précise Shirley des Enfants de Coluche. Sur le lieu de ralliement, une trentaine de personnes partaient pour commencer l’installation de ce squat baptisé « La Zone du dehors ». Parmi ces personnes, des familles avec enfants et des femmes seules, « et une femme enceinte, une personne atteinte de mucoviscidose, et un enfant hémophile » insiste Angélique, une autre membre des Enfants de Coluche.
Plusieurs nationalités
Sur le trottoir à côté du bus stationné, la famille Gevorgyan attend avec deux filles de 5 et 7 ans. La mère souffre de polyarthrite et se rend régulièrement à l’hôpital pour un traitement. Arrivés en 2016 d’Arménie, leur demande d’asile a été refusée et depuis ils ont fait appel. En attendant, ils défont et refont les valises entre les hôtels et les logements provisoires. L’opération d’aujourd’hui leur donne un mince espoir même s’ils savent qu’ils vont occuper une habitation illégalement. Le père affirme même être « prêt à faire des travaux dans la maison s’il faut ».
Jennifer a aussi le sourire. 29 ans, mère isolée avec un enfant de 2 ans, elle est en France depuis 2011 et toujours sans logement. « J’ai été logée jusqu’en 2013 par un Cada [Centre d’accueil de demandeurs d’asile, NDLR] et depuis je galère » raconte la jeune femme qui rappelle que son fils est né sur le sol français. La Nigériane est seule mais se réjouit de la présence dans le convoi d’autres femmes de son pays à qui elle rend sans rechigner des services de traduction.
Omorogbé est lui aussi Nigérian. Agé de 25 ans, il est arrivé en France en 2017. A Bordeaux, il a erré de squat en squat avant de finir à la rue. Il s’efforce d’apprendre la langue française pour pouvoir entamer des « études de musique ». « Je fais de la musique avec mon téléphone et je chante, mais j’aimerais faire mieux », dit-il avec le regard déterminé avant d’ajouter qu’il joue également au rugby avec une équipe de réfugiés au stade Musard à Bègles, Ovale Citoyen.
« Réquisition solidaire »
Outre la famille Gevorgyan, Jennifer et Omorogbé, un groupe de plusieurs nationalités a été réuni : Nigérians et Arméniens, mais aussi Russes, Géorgiens et Azerbaïdjanais. Pour accéder au bus, chaque personne devait remettre un document d’identité et faire connaître sa situation administrative en France. Bien que l’opération ait été préparée depuis trois mois, avec des réunions d’information et d’organisation, une dizaine de personnes non-inscrites sont venues au rendez-vous et ont été admises.
Arrivées à Saint-Médard, un premier groupe prend possession des maisons. La famille Gevorgyan découvre la sienne dans le hameau des allées Dordins. L’ensemble de ces maisons a été racheté par la mairie en prévision du projet de construction des 500 logements voulu dans le polygone d’isolement du site industriel d’Héraklès .
Une fois toutes les personnes installées, la police est arrivée pour constater impuissante qu’une expulsion était impossible. Les organisateurs de l’opération avaient constitué un dossier permettant de prouver que l’occupation des lieux était antérieure à 48 heures, des bénévoles étant venus s’installer vendredi en toute discrétion. Plus tôt, le collectif des associations avait envoyé une lettre au procureur pour déclarer l’opération de « réquisition solidaire ».