Le Pacte de Marseille, l'Agenda des Habitants de la Méditerranée en marche
Du 21 au 23 juin Marseille a été la capitale des habitants de la Méditerranée, avec plus de 900 participants aux 30 ateliers et plénières des Etats Généraux de la ville et du Forum des Habitants de la Méditerranée, complètement autofinancés et autogérés. La manifestation finale a montré au grand public la demande d'une Méditerranée des droits humains et cosmopolite, alternative à une Union pour la Méditerranée à guide française.
Le Pacte de Marseille renforce la construction du Réseau des Habitants de la Méditerranée mettant en oeuvre un agenda de mobilisation partagé.
Les Etats Généraux de Marseille ont débattu la situation locale, pointant du doigt les responsables de la mauvaise gouvernance de la ville qui a provoqué, notamment, 8 morts et des milliers de délogés suite à l'effondrement survenu à la rue d'Aubagne, et se sont posés comme un vrai “pouvoir citoyen”, en vue, mais pas seulement, des élections locales du mai 2020.
En coordination, le Forum des Habitants de la Méditerranée a élargi l'horizon, grâce àla participation de militants, autorités locales, spécialistes des droits humains, qui ont débattu du droit au logement et à la ville, de liberté de circulation et d'installation de migrants et réfugiés, d'égalité de genre, de la lutte contre la pollution et le changement climatique.
A cette occasion a été présentée la session du Tribunal International des Expulsions sur le changement climatique, parallèle à la COP 25 (Santiago du Chili, décembre 2020), qui montrera le visage des victimes, indiquera les coupables et proposera des solutions.
Objectif: consolider la construction du Réseau des Habitants de la Méditerranée, proposé par l'Alliance Internationale des Habitants, pour rassembler et favoriser les échanges d'expériences, le partage de stratégies et la solidarité au niveau de la région.
En parallèle, Didac'Ressource a organisé Ecrire pour les droits , atelier d'écriture Wikipedia consacré aux droits humains des minorités. avec participants des deux rives, en collaboration, entre autre, avec Association Eclore, User groupe LGBT Tunis, Réseau hospitalité, La Cimade, Act Approche Culture et Territoire, Centre social du Bassin de Séon, Theatre de la mer.
La session d'ouverture du Forum « Le Droit à la ville: le défi cosmopolite à l'épreuve de la Méditerranée. La Carte d'Identité Mondiale » a été introduite par Alison Brown, Plateforme Globale pour le Droit à la Ville, réseau qui inclut plus de 100 organisations sociales, élus, académiciens, pour faire reconnaître ce droit au niveau local et par les Nations Unies.
Raphaël Pitti, Conseiller Délégué aux Urgences Humanitaires et Sociales de la ville de Metz, a présenté leurs politiques d'accueil des migrants et souligné la disponibilité d'impliquer ANVITA, qui met en réseau les villes solidaires, dans le soutien des propositions du Forum, à partir de la Carte d'Identité Mondiale. La bonne occasion serait le Congrès ANVITA, Paris, 2-3 octobre prochains.
Ensuite Giuseppe Caccia, chef mission Mediterranean – Saving humans, bloqué en Italie à cause de la saisie du navire Mare Jonio, est intervenu via skype pour dénoncer la criminalisation des activités de sauvetage et relancer le réseau avec les villes solidaires des deux rives.
Christian Leblanc, Etats Généraux des Migrants de Marseille, a souligné le lien entre la liberté de circulation et la liberté d'installation, pour passer des politiques d'urgence à des politiques pour les droits sociaux de toutes et tous. La Charte de Palermo est un bon pilier.
Construction interactive de la Mappemonde des habitants de la Méditerranée, coordonné par Pascale Thys, Habitat et Participation, a présenté un outil très efficace pour montrer les problématiques sociales dénoncées par les acteurs du terrain. Des fiches-pays des pays riverains habillaient le Forum. La clé de lecture choisie, la financiarisation de l'immobilier, a donné l'occasion pour creuser les causes de fond et communes au niveau international de la spéculation, des logements vacants et des expulsions. Une alternative possible : sortir le logement du circuit financier par des politiques publiques de poids à tous le niveaux, pas seulement réservées aux sujets fragiles. Le partenariat public-citoyens et renforcer le statut des sols domaniales comme « biens communs » sont essentiels.
Luttes contre la gentrification des villes Méditerranéennes : Zéro Expulsions et Zéro Effondrements , animé par Cesare Ottolini, coordinateur AIH, a été l'occasion pour dénoncer les violations du droit au logement, connaitre les luttes et des propositions d'outil pour le Réseau.
Hélène Bourgon, Journaliste de 15-38 Méditerranée, Marseille-Alger, a présenté leur Dossier sur plusieurs villes du bassin, soulignant les aspects communs des effondrements de Marseille et, par exemple, de Casablanca.
Fathi Bouaroua, co-président de la communauté Emmaüs de la Pointe Rouge, Marseille, a dessiné le cadre du mal logement dans la ville: plus de 3.000 personnes évacuées, et 40.000 logements potentiellement à risque, ce qui alimente les batailles et la convergence de plusieurs collectifs.
André Gachet, Haut Comité pour le Logement des Personnes Défavorisées, a élargi le regard présentant le Rapport 2018 sur l'état du mal logement en France. Lutter contre les expulsions par la réglementation des loyers et des baux de long durée, les mesures proposées. La récupération des biens sequestrés au crime organisé devrait inclure tous les pays.
Soha Ben Slama, coordinatrice du Tribunal International des Expulsions, Tunisie, a fait connaitre cet outil de la Campagne Zéro Expulsions de l'AIH, qui a tenu 8 sessions dans tous le monde depuis 2011. Compte tenu l'efficacité des verdicts-recommandations, a proposé une session pour les pays de la Méditerranée, possiblement préparé par un Camping de formation pour militants du droit au logement.
Elle a aussi invité les participants à soumettre en ligne des cas pour la session du Tribunal sur le changement climatique, parallèle à la COP 25 (Santiago du Chili, décembre 2020). Ce qui va permettre aux victimes de déplacements, expulsions dues aux inondations, à la sécheresse, aux politiques faussement environnementales ou négationistes des états ignorant l’impact du réchauffement climatique, d'élever leur voix et témoigner. Le Tribunal sélectionnera un cas par continent et deux du Chili. Un Jury d’experts, présidé par la Rapporteuse Spéciale auprès des Nations Unies pour le Droit au Logement, en collaboration avec un Jury populaire représentant les organisations du Comité organisateur, rendra un verdict et des recommendations de politiques et mesures à mettre en oeuvre.
R-existances et alternatives des habitants des villes côtières de la Méditerranée aux industries de mort : Gabès, Taranto, Marseille , animé par Nour Elhouda SASSI, Coordinatrice Santé et Environnement Association Tunisienne des habitants et logement décent / AIH, a été introduit par la projection du film-documentaire : « Tout va bien Lella » (de Rabeb M'Barki, Tunisie, 35'), qui dénonce la cruauté de la pollution industrielle sur les habitants de Gabes et l'environnement de son golfe. Khayreddine Debaya, Coordinateur Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme, Gabès, Stop Pollution, qui a participé ensemble à Houcem Eddine Dkhil et Soumaya Lahbib, de la même association, a présenté les luttes des habitants et des pêcheurs pour la elocation/reconversion du complexe industriel du GCT et la dépollution du territoire et de la mer. Comme il s'agit d'une situation qui affecte plusieurs villes cotières (Ex Ilva, Italia, étang de Berre, autour de Marseille, entre autre) a été lancé la proposition d'une mobilisation commune au mois de septembre et la création d’un pôle des deux rives pour la protection de la méditérannée..
Le Pacte de Marseille pour la création du Réseau des Habitants de la Méditerranée , présenté dans la pleinière finale ensemble à la Déclaration des Etats Généraux de Marseille , résume avec efficacité les problèmes et relance les luttes pour une Méditerranée de paix, cosmopolite, libérée des expulsions, des industries polluantes et des morts. Le but est d'obtenir des politiques pour le droit au logement, le droit à la terre, le droit à la ville, le droit à l'eau, à un environnement sain, à la santé, à des services publics adéquats pour les citoyens-nes, à une gouvernance locale participative, à la libre circulation et installation des populations, à l’égalité des genres. Tous et toutes déterminés à les revendiquer pour les développer grâce au dialogue, aux alliances et à la solidarité avec les organisations sociales, environnementalistes, les syndicats des travailleurs, les autorités locales et les universitaires progressistes.
L'Agenda (in progress) partagé inclu la mobilisation entre les deux rives en solidarité avec les luttes contre la pollution industrielle telles que Gabès, Tunisie, Taranto, Fos et l'étang de Berre et les Journées Mondiales Zéro Expulsions d'octobre. Pour 2020-2021, il a été proposé d'organiser une session du Tribunal International des Expulsions sur la région et un Camping de formation international pour le droit au logement reservé aux jeunes militants.
La manifestation festive finale a vu les participants marcher jusqu'au MUCEM pour protester con la Rencontre des 2 Rives, voulue da Macron pour relance une Union pour la Méditerranée à guide française.
Malgré la présence de la police, deux jeunes militantes ont réussi également à faire entrer un petit bateau dans l'eau du canal qui sépare la place du MUCEM à celle du Pharo où les 10 gouvernements riverains étaient réunis. L'intervention musclée de la police devant leur resistance passive a souligné encore plus la distance sidèrale entre les habitants de la Méditerranée et leurs gouvernements.
Le Réseau des Habitants de la Méditerranée est en marche.